Login

Les anomalies génétiques qui impactent le troupeau laitier français

Toutes races confondues, 400 à 600 déclarations d’anomalies sont remontées annuellement auprès de l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab).

Toutes races confondues, ce sont entre 400 et 600 déclarations d’anomalies qui sont remontées annuellement auprès de l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab). Les organismes de sélection (OS) et les entreprises de sélection (ES) travaillent en collaboration avec l’Onab afin de limiter leur propagation. Retrouvez les principales anomalies actuellement présentes sur le troupeau laitier français et leurs impacts sur les animaux.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Avec le développement croissant de la sélection génétique et du génotypage en races bovines ces dernières années, les anomalies génétiques sont plus que jamais traquées. Stéphanie Minery, ingénieure en variabilité génétique à l’Institut de l’Elevage (Idele) et Cécile Grohs, ingénieure en génétique animale à l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement (INRAE), toutes deux animatrices de l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab), informent de la « nécessité à déclarer les anomalies sur les bovins observées en élevage, à des fins de recherche. Les éleveurs sont parfois réticents à déclarer ce genre de choses, mais ils n’ont aucune contrainte sanitaire à redouter par la suite, insistent-elles. Avant de poursuivre : « Les techniciens d’organismes de sélection (OS) et des centres d’insémination (CIA), éleveurs, ou encore vétérinaires sont tous à même de renseigner les cas observés. »

« L’Onab détient un rôle de surveillance et de donneur d’alerte, dans le cas où une anomalie est relevée comme étant en croissance. Les organismes de sélection des différentes races sont tenus de faire les tests en cas de suspicion d’anomalie, et de gérer les accouplements », explique Stéphanie Minery.

Dans la pratique, lorsqu’une anomalie est constatée, une fiche de déclaration avec les caractéristiques observées doit être renseignée et communiquée à l’Onab. Si le bovin a été génotypé, sa cartographie génétique va être comparée à celle d’un bovin sain pour identifier quelle région du génome est défaillante. Le cas échéant, des extractions d’ADN sont réalisées pour être étudiées. Ces déclarations n’ont aucun caractère obligatoire, mais elles aident à l’identification et à l’éradication des anomalies. « On ne peut les gérer que si c’est du collectif, déclare Stéphanie Minery, parce que les déclarations sont traitées à partir de trois observations de cas similaires. Les travaux de recherche sont conduits dans le cadre du l’UMT eBis au sein de l’INRAE GABI de Jouy-en-Josas ».

Syndrôme spastique périodique ou « maladie des crampes » en Holstein

Ce syndrôme consiste en une « contraction soudaine et involontaire des muscles d’un ou des deux membres postérieurs, de manière épisodique, répétée, et quand l’animal est debout », détaille l’Onab. Le sexe de l’animal n’influe pas, mais l’âge et la race oui !

Ces dernières années, il semble y avoir une recrudescence du syndrôme spastique périodique, notamment chez les bovins de race Prim’Holstein âgés de plus de 3 ans, selon l’Onab. « Sur les 500 déclarations réalisées sur notre site internet entre janvier et octobre, 107 concernaient des symptômes semblables à ceux du SSP », déclare Stéphanie Minery. Aux États-Unis et au Canada, cette affection est considérée comme ayant une composante héréditaire.

Anomalie de la face en Montbéliarde

Les anomalies de la face en race Montbéliarde sont congénitales, c’est-à-dire qu’elles sont présentes à la naissance de l’animal. Ce « défaut" « intervient aux stades de développement fœtaux qui correspondent à la formation des organes, et sous-tend un défaut de fusion des tissus de type fissure. Depuis 2014, plus de 40 cas d’animaux présentant une anomalie au niveau des narines, du palais ou du museau, ont été remontés », d’après le site de l’Onab.

« Autrement, les animaux sont normaux et dans le cas où le palais est bien fermé, la carrière de l’animal n’est pas modifiée », déclare Stéphanie Minery. Les animaux sont tout de même viables pour la production (laitière et viande).

« Une cartographie a été entreprise pour mettre en évidence le déterminisme génétique et identifier une zone du génome responsable. Deux zones ont été identifiées, ce qui laisse entendre que plusieurs gènes pourraient combiner leurs actions pour créer ce phénotype. »

Les anomalies des yeux, dans de nombreuses races

Des déclarations concernant les yeux sont régulièrement effectuées ; ils peuvent être trop petits, exorbités, ou encore loucher. Ce type d’anomalie représente 108 déclarations sur les 500 enregistrées sur la période s’étalant de janvier à octobre 2025. Notamment en race Prim’Holstein, ce phénotype est connu depuis longtemps, mais aucun gène responsable n’a encore été identifié, par manque de remontées de terrain.

L’atrésie du colon, particulièrement présente en Holstein

Présente en espèce bovine depuis les années 70, l’atrésie du colon est une anomalie congénitale qui consiste en une occlusion complète du colon. Des cas ont été rapportés dans plusieurs races : Charolaise, Simmental, et Prim Holstein. Sans intervention chirurgicale, cette anomalie est létale à coup sûr.

« Les deux ou trois premières tétées sont effectuées normalement, on constate ensuite un déclin progressif de l’appétit. Le veau cesse généralement de s’alimenter au 3ème jour de vie. Parallèlement, on constate un gonflement de l’abdomen qui est dû à l’impossibilité pour les veaux atteints d’excréter toute matière fécale. Les proliférations bactériennes provoquent une auto-intoxication ou une septicémie à l’origine de la mort qui intervient généralement entre le 3ème et le 8ème jour », décrit l’Onab.

Perte progressive de la vue, mutation nommée « Blind »

Cette dégénérescence entraîne une perte progressive de la vision chez le bovin adulte, on la retrouve en race Normande, mais également en Charolais. Le gène du Blind est récessif : il s’exprime donc à l’état homozygote.

D’après Origen Normande, cette anomalie « passe longtemps inaperçue car avant d’être entièrement aveugles, les vaches atteintes s’habituent à la routine et suivent leurs congénères. […] Celle-ci se traduit par une perte graduelle de la vision périphérique et des difficultés de vision à la tombée du jour évoluant vers une cécité complète chez les vaches les plus âgées ».

« Avant la sélection, presque 30 % des vaches devenaient aveugles », déclare Bruno Gautier de l’OS Normande, avant de poursuivre : « Il n’y a plus de taureaux homozygotes pour le gène Blind sur le catalogue. Dans le schéma de sélection, on ne fait plus d’homozygotes mais on utilise encore des taureaux porteurs sains, mais pas sur des femelles porteuses. »

L’Arcure et la Bouleture chez les veaux de nombreuses races, notamment laitières

L’arcure et la bouleture consistent en une impossibilité d’extension intégrale du carpe (le genou) et du boulet (la dernière articulation avant l’onglon). En d’autres termes, les pattes du veau ne peuvent pas se déplier intégralement, et l’animal ne tient pas debout. Dans les deux cas, la flexion est toujours possible (avec une amplitude de mouvement diminuée), explique l’Onab.

L’arcure et la bouleture sont parmi les affections de l’appareil locomoteur les plus fréquemment retrouvées chez le veau. « Elles se caractérisent par un raccourcissement ou une rétraction de certains tendons des membres qui provoquent une posture anormale d’un ou de plusieurs membres », détaille le docteur vétérinaire Guillaume Belbis sur le site Temavet.

D’après certaines remontées de terrain, ces anomalies seraient plus fréquentes sur des animaux conformés, bien que ce ne soit pas pour autant systématique. Cette affection peut être favorisée par des facteurs héréditaires, mais « la position in utero du fœtus peut prédisposer à l’affection », d’après le site de l’Onab.

Un certain nombre de veaux récupèrent plus ou moins spontanément une posture normale, surtout si les poids sont légers. Mais dans les cas où l’affection serait trop importante, il peut arriver d’avoir recours à une immobilisation en extension des membres à l’aide d’attelles, ou encore à une opération chirurgicale par section des tendons.

Les premières recherches – bien qu’elles soient très peu conclusives – laissent à penser que l’apparition de cette affection est multifactorielle (influence de l’environnement et/ou mécanismes génétiques compensatoires).

Surmortalité juvénile en race Abondance

Depuis de nombreuses années, la race Abondance est confrontée à une mortalité juvénile jusqu’alors inexpliquée. « Une enquête de terrain menée en janvier 2025 a permis de valider l’impact de cette anomalie génétique », détaille la coopérative d’insémination Auriva.

« Cette déficience entraîne une accumulation d’ammoniaque (hyperammoniémie), un déséquilibre des acides aminés, et une hypoglycémie pouvant conduire à une mort précoce des veaux. »

Alors qu’on estime qu’actuellement 90 % des animaux homozygotes porteurs de l’anomalie ne survivent pas au-delà de trois mois, c’est environ 15 % de la population Abondance qui est touchée par cette mutation. En effet, 15 % des animaux de la race sont porteurs sains : ils ne sont pas malades mais peuvent transmettre le gène à leur descendance.

À la suite de ces travaux, Auriva a identifié les taureaux porteurs de l’anomalie déjà disponibles à l’offre. Couplés aux génotypages femelles, ces travaux devraient permettre de limiter les accouplements à risque en attendant les prochaines campagnes de diffusion exemptes de taureaux porteurs. L’anomalie génétique ne s’exprimant qu’à l’état homozygote (avec des mortalités avérées), il est assez simple de maîtriser sa progression » développe, la coopérative Auriva — élevage sur son site internet.

Mortalité embryonnaire ou juvénile en Jersiaise

Selon Olivier Bulot, directeur de l’OS Jersiaise France, « tous les taureaux présents sur le catalogue ne sont pas porteurs d’anomalies connues ». Parmi les anomalies génétiques connues et identifiées à ce jour, on retrouve essentiellement des problématiques liées au début de vie des animaux. La plus récente, nommée JNS (Jersey Neuropathy with Splayed Forelimbs), a été détectée fin 2020. Cette dégénérescence peut causer des problèmes de mortalité embryonnaire ou alors, si un veau atteint vient à naître, celui-ci présente des membres antérieurs écartés, c’est ce qu’on appelle un « veau araignée ». Dans ce cas, l’euthanasie est la seule issue. En janvier 2021, la fréquence des porteurs est de 5,92 % dans la population Jersiaise génotypée aux États-Unis.

« Récessive, cette anomalie ne se déclare que dans le cas où les deux parents sont porteurs », explique Aurore Cannesson, assistante technique chez BGS (Brune Génétique Services). « L’OS ne diffuse plus de taureaux porteurs de cette tare au niveau de la gamme commercialisée, mais des taureaux porteurs sont diffusés dans d’autres pays, ils peuvent donc entrer sur le marché autrement », annonce-t-elle.

À peine plus ancienne, détectée en 2018 au début de la génomique appliquée à la race Jersiaise, l’anomalie JH1 (Jersey Haplotype 1) « a expliqué beaucoup de problèmes de fertilité » selon Aurore Cannesson. Cette anomalie, également récessive, provoque de la mortalité embryonnaire lorsque les deux parents sont porteurs.

Mortalité embryonnaire en Brune

Equivalentes à l’anomalie JH1 en Jersiaise, les anomalies BH2, BH6 et BH14 en race Brune provoquent la mort embryonnaire du veau, ou dans les premières semaines de vie. « Ces anomalies, récessives, ne se déclarent que si les deux parents sont porteurs. À ce jour, il n’y a plus de taureaux porteurs de ces anomalies commercialisé en France, annonce Aurore Cannesson, même si elles ne sont pas encore éradiquées pour autant. »

Un projet qui dresse le bilan des anomalies gérées par les races

Lancé en 2025, et prévu jusque 2027, le programme Ecogeno vise à mesurer les retombées socio-économiques de la sélection génomique en filière bovine. Entre 2012 et 2022, « le volume annuel de génotypages a été multiplié par 6,8 en race Holstein, 5,9 en race Montbéliarde et 3,8 en race Normande ». Ce projet s’intéresse notamment aux profils d’élevages utilisateurs de la génomique, à la gestion des anomalies génétiques et leurs coûts, ainsi qu’à l’évaluation de l’impact économique global de la sélection génomique sur la filière bovine.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement